Dans ce qui s'apparente à un virage géopolitique majeur, le gouvernement de Mark Carney s'apprêterait à abolir les tarifs douaniers de 100 % sur les véhicules électriques (VÉ) chinois. Selon des sources, l'annonce pourrait coïncider avec la rencontre entre le premier ministre et le président Xi Jinping au sommet de l'APEC cette semaine. En retour, Pékin lèverait ses restrictions sur le canola et le porc canadiens.
Si cette décision vise à relancer le commerce agricole et à offrir des VÉ abordables aux Canadiens, elle est perçue à Windsor, Oshawa et Oakville comme un coup de poignard. Elle expose une industrie déjà chancelante à une concurrence potentiellement fatale.
L'industrie canadienne prise en étau
Pour les usines canadiennes de Ford, General Motors (GM) et Stellantis, cette nouvelle ne pouvait survenir à un pire moment. Les constructeurs américains qui assemblent des véhicules au Canada sont déjà pris dans un étau entre leur principal marché et leur base de production.
Au sud : le protectionnisme américain
Les usines canadiennes des Big Three dépendent en grande partie de l'exportation de produits vers les États-Unis via l'accord CUSMA. Or, les relations avec l'administration Trump sont glaciales. Le président américain a mis fin aux pourparlers commerciaux et menace constamment d'imposer de nouveaux tarifs sur les véhicules assemblés au Canada, qu'il voit comme une concurrence.
À l'est : la concurrence chinoise
Jusqu'à présent, le marché intérieur canadien était un havre de paix, protégé par les tarifs de 100 %. L'abolition de ces tarifs créerait un appel d'air pour des géants comme BYD, Nio et XPeng, reconnus pour leur technologie avancée et leurs prix agressifs.
Une schizophrénie politique
Selon les syndicats, cette décision d'Ottawa – qui n’est toujours pas confirmée, on le rappelle – défierait toute logique industrielle. Unifor, qui représente les travailleurs de l'automobile, l’a qualifiée de « trahison économique ». Le syndicat dénonce le gaspillage potentiel de milliards de dollars d'impôts dépensés pour aider Ford à Oakville, Stellantis à Windsor et GM à Oshawa à se convertir à l'électrique, pour ensuite voir le gouvernement permettre aux véhicules électriques chinois subventionnés d'inonder le marché intérieur.
En effet, le Canada a misé toute sa stratégie sur le positionnement de ces usines comme pivots de la chaîne d'approvisionnement nord-américaine des VÉ. En ouvrant le marché domestique de cette façon, Ottawa risque de scier la branche sur laquelle il a investi des milliards.
Le consommateur, seul gagnant ?
Dans ce jeu géopolitique, le consommateur canadien semble être le seul gagnant, du moins à court terme.
Le marché des VÉ au Canada est au ralenti depuis que le gouvernement Carney a suspendu le programme d'incitatifs fédéraux (iZEV) au printemps 2025, citant des pressions budgétaires.
L'arrivée de VÉ chinois à bas prix réglerait le problème d'accessibilité pour bien des acheteurs potentiels. Ironiquement, le premier bénéficiaire pourrait bien être Tesla, qui pourrait inonder le marché de ses Model 3 et Y provenant de Shanghai.
Mais pour les consommateurs qui sont aussi des travailleurs de l'automobile, le calcul est plus sombre. Le gain de VÉ moins chers pourrait se payer par la perte de milliers d'emplois manufacturiers bien rémunérés. Le Canada se retrouverait à importer des véhicules plutôt qu'à les fabriquer, exactement ce que la stratégie industrielle des cinq dernières années visait à empêcher.
Contenu original de auto123.